Association Flainoise

(2) Flainoz et les hôtels disparus

jeudi 10 février 2011 par Thomas Heppel

Contes et Légendes de Flainoz…

(2) Flainoz et les hôtels disparus

«  Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître… », Flaine en ce temps là comptait jusqu’à cinq hôtels.

Aujourd’hui nombreux sont ceux qui se plaignent de leur disparition. C’est une remarque souvent entendue dans les assemblées de l’association flainoise. Mais est-ce encore une de ces exceptions flainoise ?

Petit retour en arrière :

Il y avait le fleuron, seul hôtel que le promoteur initial ait réussi à vendre à un exploitant indépendant dés sa création : Le Grand Hôtel Le Flaine. Ses quatre étoiles brillaient au milieu des premiers immeubles qui allaient revêtir des noms de constellations. En mains d’hôteliers de tradition, propriétaire d’un Grand Hôtel à Aix-les-Bains, Le Flaine représentait un mélange de modernisme et de luxe à l’ancienne : Les maîtres d’hôtel en nœud papillon supervisaient la disposition de l’argenterie sur la terrasse dominant le lac de Flaine, alors que le mobilier était sorti de l’esprit des derniers designers à la mode.

La même année avait ouvert « Les Gradins Gris », dont les trois étoiles avaient fait plier le Secrétariat d’Etat au tourisme en équipant ses salles-de-bain de WC et non de bidets. Les nouvelles normes (N.N.) étaient nées à Flaine. Cet hôtel se destinait à une clientèle aisée et sportive, il se voulait moderne, élégant, artistique, mais sans le carguant lié à l’hôtellerie de luxe des années 60.

Suivirent Les Lindars, innovant par sa nurserie et son système de baby-sitting électronique. Flaine avait inventé le « Babyclub » du Club Med avant même que ce dernier y ait pensé. « Aujon » vint rejoindre la liste, avec sa salle à manger trop petite, comptant sur le fait que la clientèle commencerait à fréquenter de plus en plus les restaurants de la station, délaissant le repas pris à l’hôtel.

Une nouvelle incursion dans le haut-de-gamme fit son apparition : dans le prolongement de l’hôtel des « Gradins Gris » un autre trois étoiles plus luxueux fit son apparition. Tout le monde se demandait pourquoi il portait le nom de « Totem », alors qu’aucune tribu indienne n’avait vécu à Flainoz ?
En même temps que la construction de l’hôtel démarrait, M. et Mme Boissonnas avaient commandé à Pablo Picasso un totem gigantesque pour embellir le Forum. L’hôtel a ouvert ses portes, mais le totem en question, bloqué par la succession du peintre, n’apparaitra qu’environ vingt ans plus tard, répondant ainsi tardivement à la question concernant le nom de l’hôtel. Le Totem était le nouveau fleuron de l’hôtellerie flainoise, il porta longtemps haut les couleurs de la station. Membre de la prestigieuse chaîne Relais & Châteaux, sa table a même été gratifiée d’une étoile au guide Michelin.

Qu’est-il donc arrivé ? Pourquoi il n’y a plus réellement d’hôtel à Flaine ?

Une partie de la réponse est propre à Flaine et l’autre est structurelle.

Pourquoi la malédiction de Flainoz a frappé les hôtels de la station ?
Une première partie de la réponse se trouve dans le témoignage de Robert (Bob) Gatje, le chef de projet pour Flaine au sein du cabinet d’architecte Marcel Breuer et Associés. Il admet dans son ouvrage « Marcel Breuer : a Memoir » que la conception des chambres des hôtels de Flaine a été empreinte de la philosophie calviniste de ses commanditaires, qui était aussi la sienne. Elles sont donc, dés le début, de taille trop modeste. Quarante ans plus tard, les exigences de la clientèle ont évolué, et la superficie des chambres ne permet plus de commercialiser les hôtels correctement. De plus, les rénovations entreprises à la fin des années 80 ne vont pas être des plus heureuses.

Ainsi l’hôtel des Gradins Gris et le Totem vont être fusionnés. Mais, au lieu de garder le cachet des deux hôtels, on abat les cloisons, les salles de restaurant sont rassemblées pour devenir une sorte d’immense cantine, les salons sont une enfilade qui ressemble à un magasin d’ameublement. Les chambres ne sont pas agrandies et on ne pense pas à y adjoindre un espace bien-être. La clientèle se détourne vers d’autres hôtels dans d’autres stations.

Les autres établissements n’ont pas connu un destin exceptionnel, ils ont juste suivi l’évolution de la demande en matière d’hébergements de vacances. Une partie de la clientèle s’est détournée de l’hôtellerie traditionnelle et privilégie les hôtels-clubs avec des formules « tout-compris ». Les hôtels de nombreuses stations ont connu le même destin. Par exemple à Chamrousse on ne compte plus que deux hôtels dans la station, alors qu’on en dénombrait une douzaine au début des années 1970. En effet, l’hôtellerie demande de lourds investissements, difficiles à rentabiliser sur des saisons courtes (4 mois d’hiver, 6 semaines d’été).

Seules les stations haut-de-gamme ont majoritairement conservé de l’hôtellerie traditionnelle. A Flaine, Aujon, Les Lindars et Le Flaine sont devenus des hôtels-clubs.

Une autre concurrence à l’hôtellerie traditionnelle a été autorisée dés 1973, il s’agit de la résidence de tourisme. A Flaine la première est apparue en 1976 avec la construction de la Résidence de la Forêt. Aujourd’hui Les Pléiades***, Les Terrasses d’Eos*****, Les Terrasses de Véret*** et Le Refuge du Golf**** sont venus compléter l’offre.

Qu’il n’y ait plus d’hôtel à Flaine est donc principalement le résultat de l’évolution de la demande et de l’inadéquation de l’offre à Flaine.

Ce sont toujours les résidences hôtelières qui semblent avoir le vent en poupe. Flaine frissonne de nouveaux projets : Le Centaure, Les Terrasses d’Hélios, entre autres. Alors qu’il se construisait à Flaine dans les années 80 de nombreuses copropriétés, à l’heure actuelle il n’y a plus de projets dans ce domaine. Il s’agit là clairement du résultat de la volonté des acteurs économiques (remontées, commerçants) d’avoir des lits dits « chauds », c’est-à-dire exploités en continu par des opérateurs. Les copropriétés représentent bel et bien une clientèle fidèle mais qui souvent n’utilise leur bien que quelques semaines par an et le laisse vide le reste du temps (« lits froids »), ne générant ainsi aucun revenu sur la station pendant ces périodes d’inoccupation. L’Etat a décidé de pousser cette tendance en offrant des avantages fiscaux aux résidences de tourisme.

Par contre aujourd’hui, force est de constater qu’il manque un hôtel à Flaine, notamment pour répondre à une demande de courts séjours. Un hôtel est souvent aussi un porte-drapeau en termes de marketing, de visibilité dans les médias. Les projets sont dans les cartons mais peinent à se réaliser.

Le projet Terminal Neige semble vouloir occuper un créneau intéressant en combinant une résidence de tourisme et un hôtel.

Souhaitons que Flainoz ne reste pas sur son oreiller et qu’un des anciens hôtels de Flaine (projet de réhabilitation du Totem) sorte de son sommeil ou qu’un nouvel hôtel vienne reprendre le flambeau.


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